Atelier d'écriture #251 de Bric à Book | В желанието си дърво

Chaque semaine, Leiloona du blog Bric à Book organise un atelier d'écriture. Le principe : à partir d'une photo, sélectionnée une semaine à l'avance, proposer un texte au ton et genre de notre choix. De quoi éveiller notre imagination :-)

© Anselme

Ma princesse,

Laisse-moi te conter l’histoire de cet arbre si particulier. C’est un arbre comme l’on en voit rarement sur cette terre. 
A l’époque on nous avait raconté à papa et à moi qu’il était magique, chaque personne qui y laissait un vœu le voyait se réaliser. On nous l’avait assuré : В желанието си дърво est plus efficace que les pèlerinages, les prières et autres remèdes mystiques. Beaucoup s’y recueillaient pour des cas dits « désespérés », lorsque tous les autres recours tentés n’avaient donné lieu à aucun changement. 
Et nous, nous avions tout essayé.

Nous avons parcouru beaucoup de kilomètres, mais toi bien sûr tu es restée au chaud dans ta chambre, entourée de papi et mamie. Je me souviens de ton regard apeuré, de ces grosses larmes qui coulaient sur tes joues. Dans ton esprit, tu pensais avoir été si méchante que tes parents t’abandonnaient. J’avais le cœur déchiré à l’idée de partir loin de toi ne fusse que trois jours. Mais il le fallait, nous n’avions plus le choix.
A l’époque tu ne comprenais pas pourquoi nous partions pour la Bulle Guérie comme tu l’appelais. En réalité, il faut que je te le dise ce pays se nomme la Bulgarie mais en y réfléchissant bien, ce nom que tu lui donne lui sied à merveille. 

Arrivés dans ce village reculé, mes espoirs se sont effondrés en voyant cette foule agglutinée à cet arbre somptueux, deux fois centenaire. A cet instant précis je me suis dit « à quoi bon, tout ce trajet pour quoi ? Une déception supplémentaire. Ce lieu n’est qu’un attrape touriste ». Mais ton père a pris ma main et de son regard grand et bleu il m’a poussé à rester, m’a rassuré et a glissé un baiser dans mon cou. Alors pour lui, pour toi, j’ai attendu mon tour. 
Une fois devant lui, ma gorge s’est nouée, je me suis mise à trembler. Ton père a eu peur, très peur. « Tout va bien » lui ai-je murmuré. Délicatement, j’ai sorti mon petit papier de ma poche, je l’ai pressé contre moi, anxieuse à l’idée de l’accrocher là sur une de ces branches. Je l’ai observé un instant, il ne fallait pas brusquer les choses. Fièrement dressé, il offrait à ses visiteurs des branches tombantes et accueillantes. Une multitude d’oiseaux avaient élu domicile en son sein, ils allaient et venaient nourrir leur progéniture, leur descendance. Les rayons du soleil reflétaient sur ses feuilles frissonnantes et dessinaient sur le sol des ombres dentelées. 
Je me suis approchée de son tronc majestueux et je l’ai enlacé de toutes mes forces, mes larmes mêlées à sa sève. J’ai pensé à toi, très fort, comme une mère pense à son enfant mais encore plus fort. Puis j’ai accroché mon unique souhait sur une branche vide, entouré de centaines d’autres petits mots colorés.
Cette photo que tu tiens entre les mains est mon unique souvenir de ce lieu hors du temps. 

Trois mois après ce voyage, mon téléphone a sonné. Je m’en souviens comme-ci c’était hier, j’étais à la maison comme chaque jour, un livre entre les mains. 
« Allo ? »
« Bonjour Sophie, c’est le docteur Martin. Je ne vous dérange pas ? »
« Bonjour Docteur. Et bien je m’apprêtais à courir un marathon mais bon … Voyons docteur … je ne sais pas pourquoi vous me poser cette question ! »
« … Il faudrait que vous passiez me voir Sophie, dès que possible. J’ai eu les résultats des derniers examens. »
A l’annonce de cette phrase, j’ai raccroché sans même attendre la suite. Effondrée sur le canapé, je voyais déjà mon monde s’écroulait. Après quelques minutes, j’ai enfilé mon imperméable, rassemblé mes dernières forces et je me suis rendue au cabinet.

Ma princesse … Il faut désormais que tu saches ce que comportait mon souhait accroché à ce vieil arbre. J’avais demandé aux forces suprêmes, quelles qu’elles soient, de m’accorder encore un peu de temps, de pouvoir, avec toi, fêter tes huit printemps.

Ce jour là en me rendant chez le médecin, les espoirs envolés, ce dernier a annoncé ma rémission. Je t’expliquerai plus tard ce que cela signifie. 
Aujourd’hui tu as dix ans, et pour fêter cela, papa et moi avons décidé de t’emmener voir ce grand arbre magique. Pour que toi aussi, tu puisses y glisser ton vœu.

Commentaires

  1. Émue aux larmes.. Je suis dans mon tram, c'est lundi, il pleut.. Je ne vois rien de tout ça.. Je suis bouleversée.. N'est-ce pas cela, le talent ? Faire surgir des émotions à fleur de peau ? Je te souhaite une douce journée.. Des bises ! ��

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    1. Oh Nath ! Point de larmes dès le lundi !
      Merci pour ces jolis compliments, ils me vont droit au cœur :-)
      Des bises aussi.

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  2. Le voeu mais surtout la force et la volonté comme armes face à la maladie. Un bien joli texte que tu nous livres. Merci.

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    1. Merci Virginie, je suis convaincue, qu'au-delà d'un vœu, d'une communion avec la nature, l'Amour peut faire des miracles.

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  3. Très très émouvant cet aveu d'une mère à son enfant!

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    1. Merci Sabine. Il est des moments où il est essentiel d'avouer à son enfant le pourquoi du comment, par amour.

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  4. On se raccroche à ce qu'on peut quand tout espoir semble perdu...

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    1. Et on se raccroche surtout à l'amour des êtres chers.

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    2. L'amour des êtres chers... C'est vrai quand tu as un conjoint ou un enfant (bien que l'amour filial ne soit pas le même que l'amour te porte ton conjoint). Quand tu n'as rien de tout ça il n'y a pas grand chose à quoi se raccrocher...

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  5. La force de la Nature, la force de l'amour, la force de l'espoir. Très beau texte :)

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    1. Tu as extrêmement bien résumé le tout :) Merci beaucoup Amélie.

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  6. C'est très beau, j'ai la gorge toute serrée et une larme pas loin des yeux..Je crois vraiment que de tels lieux existent et que si on s'y rend avec humilité et un cœur pur il peut se passer des choses étranges...Je crois beaucoup à cette étreinte avec un arbre, il y en a un dans mon jardin, quand je pose ma main sur son tronc je ressens comme une vibration que je ne ressens pas avec les autres....Du coup à chaque tempête mon premier regard le matin est pour lui ....Merci pour cette belle histoire.

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    1. J'aime ce que tu décris là Bénédicte, cette communion avec la nature, simple mais qui vous bouleverse, vous change. Sentir toute la force dans des racines, un tronc, ou que sais-je encore. Des moments uniques et parfois magiques.
      Merci pour ce partage.

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  7. J'aime bien le portrait de l'arbre. J'ai pensé au film Avatar. J'ai parfois ce genre de pensée magique, j'ai déposé bien des cierges et je veux bien l'adresse de ton arbre.
    NB je croyais que l'enfant était malade, certainement une de mes projections :)

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    1. Ah je n'avais pas pensé à cette référence, bien vue !
      C'est la mère qui est malade ici, c'était au dessus de mes forces de rendre malade la petite fille (même si ce fut bien difficile aussi pour la mère).

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  8. un texte qui me touche particulièrement ce jour où j'ai accompagné ce matin une amie voisine à sa dernière demeure. Sa force, nos ondes positives et nos voeux n'ont pas eu sur elle le même effet que sur ta narratrice face à cette saleté de cancer... Vais faire une pause de lecture là tellement ton texte m'a chamboulée. Je reviendrai lire nos autres acolytes plus tard. Nady

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    1. Oh Nady je suis désolée :( je ne voulais pas réveiller de tels souvenirs ... Je t'embrasse pour te réconforter un peu...

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  9. Superbe texte d'où ressort une force qui n'a d'égal que celle de cette mère prête à tout pour pouvoir voir sa fille chérie grandir. Et peu importe si c'est l'arbre qui a exaucé son vœu où si sa propre volonté qui a été la plus forte (car je pense que parfois - je dis bien parfois - la volonté peut faire des miracles face à la maladie). Et puis qui sait, il faut peut être croire très fort en la réalisation d'un vœu pour qu'il s'accomplisse ? En tout cas, au-delà du sujet grave, ton texte est une perle! Bravo ! Jos

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  10. Ouh là ... trop émotive je suis là ...
    Tu touches mon point sensible. ne pas voir grandir mon enfant ... non, je ne veux pas y penser. ... pfiu.

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    1. Oh décidément ! Mon écrit fait débat cette semaine :( désolée de provoquer ces effets non voulus. Bises

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  11. Un très beau texte, plein de tendresse et d'espoir. Certains croient en Dieu, ton héroïne a eu la foi en cet arbre, sa dernière chance comme elle dit. Et elle a eu bien raison. Peut être verrai-je cet arbre aussi la semaine prochaine car je vais en Bulle Guerrie... Merci beaucoup.

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    1. Merci Valérie. Et bien si jamais tu le vois, laisse y un petit papier de couleur si le cœur t'en dis. Bon voyage :)

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  12. Quel beau texte ... Il touche de près nos souhaits les plus profonds et nos peurs très très enfouies ... La nature est magique, et notre coeur aussi des fois !!! Merci, j'ai vraiment vibré en te lisant.

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