L’éveil de Line Papin : quand la jeunesse découvre les sentiments

Paru aux éditions Stock en août 2016
256 pages

Faut-il encore présenter Line Papin, cette jeune auteure franco-vietnamienne, qui a obtenu en octobre le prix de La Vocation pour son premier roman L’éveil paru aux éditions Stock ? C’est d’ailleurs grâce à eux que j’ai pu enfin me plonger dans cette lecture tant attendue. Un dépaysement total où le lecteur s’immisce dans la découverte tortueuse des sentiments.


« Je dois y retourner, c’est insupportable de le savoir ici, lui qui marche détenteur de mon secret, du secret de mon corps, qui marche et qui vit non loin. Non, il ne s’agit pas encore de l’éveil, du vrai, c’est mon attention seule qu’il éveille pour l’instant, et c’est en dessous, plus loin, que nous allons éclore et tomber et rouler. Du bout des pieds, à présent, je fais des ronds dans l’eau, de moins en moins grands, qui vibrent et disparaissent. C’est quelque part, là, en dessous des orbes que forme l’eau troublée… ça m’excite, ça m’agace : je suis à l’orée de l’éveil, à l’orée de l’éveil. »

Juliet a dix-sept ans, elle est la fille de l’ambassadeur d’Australie et expatriée à Hanoi. Elle vit son adolescence dans une douceur infinie, privilégiée par son rang. Elle connait peu le monde extérieur, les rues d’Hanoi dans lesquelles elle ne déambule jamais. Lors d’une soirée elle rencontre un homme mystérieux, en décalage avec la mondanité du lieu. Il danse, insouciant. Il semble libre, indifférent au monde qui l’entoure. Alors forcément Juliet est intriguée. Elle a bien l’intention de lui montrer qu’elle l’a repéré et qu’elle n’a pas envie de le laisser partir.
Mais voilà, ce garçon, expatrié lui aussi et dont on ignore le nom, a un vieux démon qui le colle à la peau. Un démon prénommé Laura.



Très bonne même

Après avoir refermé ce roman, il m’a fallu quelques heures pour le digérer, pour sortir la tête de l’eau et reprendre mon souffle. On comprend tout de suite pourquoi il a reçu ce prix car il s’agit là d’un premier roman qui possède une grande force. Personnellement, je ne suis pas ressortie de cette lecture en me disant « Wahou ! C’est un coup de cœur » mais par contre j’en suis ressortie totalement bousculée, troublée et c’est en cela qu’il en fait un roman réussi selon moi. 

« C'est toujours comme ça, tu vois, on n'y pense pas, on regarde les choses passivement, et soudain une image, sur un coup de tête, se déclare être la dernière. »

Ici, chaque chapitre se fait la voix d’un des personnages. Mais c’est bien cet homme qui est le point central du roman. Dès les premières pages on comprend qu’il y a quelque chose d’étrange chez lui et l’inquiétude du lecteur grandit à mesure que les pages se tournent. Puis petit à petit on comprend, on apprend, qu’il est détruit par l’amour d’une autre ou plutôt par cette non-réciprocité. Car Laura est une fille volage, paumée, en pleine détresse. Alors peu à peu il se laisse habiter lui aussi par la détresse, la culpabilité et la souffrance. Il se complaît dans ce malheur alors que Juliet tente de le retenir auprès d’elle. Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore paraît-il. Et même Raphaël, son meilleur ami, ne réussit pas à le raisonner. Et on se demande sans cesse comment tout cela va se terminer.

L’atmosphère qu’instaure Line Papin se fait de plus en plus pesante au fil des chapitres, mais aussi et surtout vivante car l’un n’empêche pas l’autre. On se sent alors directement happé, pris dans le tourbillon de ce besoin vie et de solitude à la fois. Nos sens sont en émoi durant les 250 pages grâce aux sentiments de ces quatre personnages mais aussi aux odeurs, à la chaleur oppressante et aux ruelles humides d’Hanoi. 
Mais si ce roman est autant une réussite ce n’est pas seulement grâce à l’histoire, c’est aussi grâce à l’écriture sensuelle et puissante de l’auteure. Chaque mot, chaque phrase est justement dosée. Jusqu’à son titre d’ailleurs. Car L’éveil c’est l’apprentissage d’une vie, des sens, de l’amour, des absences, de la conscience ou de l’inconscience mais aussi de la souffrance. 
L’éveil c’est se prendre la vie en pleine figure.

« Je me revois, reine de Saba, qui avais perdu ma retenue, ma politesse, ma timidité, car le bonheur en avait explosé l’enveloppe de manière presque indécente. Je me revois heureuse, exaltée, et j’en ai honte, face à la lune qui a tout vu et qui doit rire maintenant de me voir misérable, au sol, larmoyante, ridicule… »

Un roman que je vous recommande chaudement.

Commentaires

  1. Si je me fouette un peu, j'irai voir l'auteur en librairie demain, avec deux autres auteurs Stock de la rentrée...

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    1. Fouettes toi pour moi alors :p Qui sont les deux autres auteurs ?

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    2. Cédric Gras et Arnaud Sagnard.

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    3. Ouh ça s'annonce être de très belles rencontres. "Anthracite" de Cédric Gras me tente beaucoup aussi d'ailleurs. Profites-en bien si tu y vas :)

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  2. L'auteur était en hypokhâgne/khâgne avec moi donc j'avoue qu'il titille ma curiosité depuis très longtemps... Mais je n'ai toujours pas craqué !
    Il faut vraiment que je le lise, et c'est pas ton avis qui me donne envie du contraire !

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  3. Oh c'est excellent ça ! Il faut absolument que tu te le procures, je pense que tu ne seras pas déçue.

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