Fille d’octobre de Linda Boström Knausgård
J’avais été soufflée par la force du premier roman de Linda Bostrom Knausgård Bienvenue en Amérique c’est donc avec impatience que j’attendais de plonger dans ce second roman qui nous entraîne dans l’intime de l’autrice.
J'aurais voulu tout raconter sur l'usine. Malheureusement, je n'en suis plus capable. Bientôt je ne me souviendrai plus de mes jours ni de mes nuits, bientôt je ne me rappellerai plus pourquoi je suis née.
Plonger, c’est ce que fait cette fille d’octobre. Elle plonge dans les souvenirs, ceux qui l’ont amené là, à « l’usine ». Dans ce monde qui fait tout oublier. Dans ce lieu censé guérir les maux. Ceux de la dépression que l’autrice traîne depuis des années. L’usine, ce lieu où les électrochocs sont LE traitement, LE remède. Ce lieu où le patient n’a que peu le droit de s’exprimer lors des entretiens avec le médecin. Ce lieu dans lequel on imagine non sans mal grâce aux mots de l’autrice l’ambiance qui y réside.
Plonger, c’est ce que fait cette fille d’octobre. Avant l’oubli. Avant que l’électricité ne lui retire des pans entiers de mémoire. Témoigner de ces traitements inhumains. De ces dégâts sur le cerveau. Et puis dire, écrire pour se souvenir un peu. Se souvenir qu’elle est une femme. Qu’elle a été une épouse. Se souvenir de ce mariage heureux avant que le temps et la maladie ne le fassent voler en éclats. Et puis dire l’amour, celui qu’elle porte à ses quatre enfants. Se souvenir, qu’elle est une femme et une mère. Aimante et dévouée malgré la culpabilité qui la ronge de les abandonner pour errer dans ces lieux.
Plonger, c’est ce que fait cette fille d’octobre. Au cœur de l’enfance, de l’adolescence et de la vie adulte. Au cœur des voyages dont elle se souvient. Reconstituer le puzzle. Tenter de retrouver toutes les pièces disséminés de-ci de-là. Fouiller avec l’aide parfois de quelques soignants. Crier cette colère qui montre qu’elle est vivante. Battante.
Sans concession, cette fille d’octobre plonge. Pour exprimer les négligences et mensonges médicaux. La violence de ce qui s’y passe. Où l’Homme est réduit à du bétail, où le rendement est crucial. Où les patients sont allongés sur des brancards, à la chaîne, à attendre le moment où l’on viendra les chercher pour leur administrer les électrochocs.
L'obscurité visqueuse de la dépression, son néant, sa mort éveillée, voilà ce qui m'attend quand je m'enfonce. Il n'y a plus de mots, plus de conscience, seulement ce lourd sommeil et cette angoisse qui enserre tout.
Linda Boström Knausgård, cette fille d’octobre, aussi fragile que puissante, porte à nos yeux et à nos corps un récit âpre, douloureux. Il questionne sur le monde médical, sur la mémoire et l’écriture lorsque cette dernière s’efface peu à peu à force de chocs. Un récit stylistiquement bien différent de Bienvenue en Amérique, décousu, haché, comme cette mémoire qui se veut aussi une réflexion sur la place de mère et la maternité.
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