Le Cargo sentimental de Cesare Battisti : un roman sur le poids de l'hérédité

Paru aux éditions Joëlle Losfeld / Gallimard
198 pages

J’avais envie de découvrir une épopée se déroulant en Italie sous fond de révolution pour sortir de mes sentiers battus. C’est ainsi que je me suis retrouvée à acheter d’occasion ce roman de Cesare Battisti.



**Avant-propos**

Tout d’abord un petit mot sur l’auteur. Cesare Battisti est né dans la banlieue de Rome en 1954 et grandit dans un quartier populaire qui deviendra son terrain d’apprentissage. A 21 ans, il décide de rejoindre la lutte armée. Les années 70 deviendront pour lui des années de clandestinité. Arrêté et condamné il finit par s’évader de prison et s’exile au Mexique pour enfin venir s’installer en France et publier son premier livre Les Habits d’ombre.  

Après une telle entrée en matière, on ne peut que vouloir découvrir ce roman qui parle de … révolution oui mais pas que !



**En quelques mots**

Une province de l’Italie, un jeune homme décide de quitter sa famille pour rejoindre le mouvement gauchiste. Il s’éloigne ainsi de son père, qui fut lui-même résistant et héros bien malgré lui.
Durant ses années de combat, le jeune homme va rencontrer Silvana qui l’initiera à l’amour et le quittera le ventre rond, portant son enfant.
Recherché pour crime, il s’exile en France comme beaucoup de ses camarades de révolution. S’en suit alors des années de clandestinité où ses souvenirs referont surface : son enfance, les histoires contées par son père et Silvana qui l’obsède chaque jour.
Vingt ans après, il apprend par une vieille connaissance que Silvana est morte et décide de partir à la recherche de Nada, leur fille.




Il suffit de lire le résumé pour faire tout de suite le rapprochement entre l’auteur et le narrateur : tous deux ont eu des ennuis avec la justice, tous deux se sont exilés en France.

En ce qui concerne la forme, l’écriture et le style de Cesare Battisti sont agréables et l’humour bien présent malgré une période sombre de l’Histoire. 

Néanmoins, je suis ressortie mi-figue, mi-raisin de cette lecture.
Si je m’attendais à vivre la révolution italienne des années 70, je fus bien déçue ! Il n’est pas question de combat dans ce roman. En tout cas pas de ce combat là. Bien sûr, c’est inévitable, le narrateur distille tout de même des éléments liés à cette période, on ne peut pas retracer vingt années sans en parler. Mais le roman porte avant tout sur la recherche de soi, les souvenirs de l’enfance et la recherche permanente de points communs entre le jeune homme (dont on ignore le nom) et son père. Ce n’est nullement un roman engagé et l’auteur reste très flou sur cette lutte et son adhésion au mouvement gauchiste.
Mais pouvait-on en douter avec un nom comme Le cargo sentimental ?

« Je songeais alors qu'il était si mesquin de chercher des différences entre certains perdants et d'autres que, du coup, les histoires que l'on racontait à la maison semblaient se confondre avec les miennes. Ça fait un drôle d'effet de découvrir qu'on se retrouve dans le même camp que ceux qui ont toujours exercé la fonction de «parents». Un peu comme in décide de tout démolir au nom du peuple et qu'après avoir été démoli à son tour, on se rend compte qu'on fait irrémédiablement partie de ce même peuple. »

Il se décompose en trois grandes parties : la première davantage liée à l’enfance du narrateur, la seconde à sa vie d’adulte et d’exilé puis la dernière à la recherche de sa fille.
Tout au long du livre, le récit prend le pas sur l’action. On oscille entre les souvenirs d’enfance, les histoires de son père résistant et la vie actuelle du narrateur, ce qui rend très souvent le récit brouillon. On s’y perd dans les méandres des souvenirs.

« Le problème de Silvana, c’était que les emmerdes, elle les sentait arriver tellement à l’avance qu’elle avait le temps de les créer de toutes pièces. »

Cependant, en avançant dans cette lecture je l’ai trouvé de plus en plus agréable dès lors qu’il y avait une carotte à aller chercher : les secrets de famille qui refont surface et la recherche de Nada. 
Un roman avant tout sur le poids de l’hérédité et la construction d’un homme dont les convictions sont contraires à l’époque. Mais aussi un roman sur l’importance du rôle de la femme dans la destinée de ces hommes activistes, résistants ou révolutionnaires.

Un roman à lire, mais selon moi, à ne pas mettre en haut de sa PAL.


© Amandine

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