Lointaines merveilles de Chantel Acevedo : ode à l’amour Cubain

Paru en poche aux éditions Points
360 pages


L'aventure "Jury du meilleur roman des éditions Points" se poursuit et se termine petit à petit. Dans la sélection, ce joli roman de vie de Chantel Acevedo. Dépaysement assuré.


« Il n'y a pas de logique à la souffrance, pas d'équilibre entre la joie et la peine. Il y a juste des choix et les échos de ces choix. »
Nous sommes en 1963 à Cuba. Castro est au pouvoir et la répression contre les partisans de Batista sévit.
Nous rencontrons María Sirena, une dame âgée qui vit dans une maison en bordure de mer. Une tempête se prépare et s’annonce dévastatrice. Mais María refuse de quitter sa maison, son souhait est que l’ouragan Flora l’engloutisse. Contrainte et forcée par une soldate, elle se voit mise à l’abri, entourée de sept autres femmes, dans la Casa Velázquez. Un lieu empli des souvenirs que lui contait son père.
Pour passer le temps et parce qu’il lui en reste peu à vivre, María, ancienne conteuse des usines de cigarellos, se met à raconter son histoire. Son père fait prisonnier par les Espagnols alors qu’elle était encore une enfant, sa mère courageuse qui durant quatorze ans a attendu le retour de son époux en cédant malgré tout au pêché de l’adultère. Mais aussi la guerre d’indépendance, la révolution cubaine, l’amour et les choix d’une femme.
« Il existe un type de silence si profond qu'il remue l'âme, donne le sentiment d'être un réfugié, comme si on naissait à une nouvelle vie qui n'a rien à voir avec celle qui l'a précédée. Ce sentiment ne dure qu'un instant, mais il est aussi troublant qu'un cauchemar. »
Si le début du roman peine à démarrer et n’est qu’une simple retranscription de souvenirs et de faits mêlant présent et passé, nous sommes bien vite rattrapés par les émotions contées. Peut-être ai-je la le cœur trop sensible mais il n’empêche que l’écriture et la force du récit serrent le cœur du lecteur. Malgré un personnage parfois plaintif contrairement à la figure maternelle qui incarne l’indépendantisme pur, il est difficile de rester insensible aux descriptions de la misère, de la faim, de la maladie, de la guerre que María Sirena vit de près durant sa jeunesse et dans les camps de concentration. Et tout aussi douloureux, les descriptions de l’amour porté à ces lointaines merveilles. Amour maternelle, amour perdu, amour naïf … Amour ancré telle une cicatrice dans le cœur.

Dans ce roman assurément, on y découvre l’histoire de Cuba à travers les yeux d’une petite fille, d’une adolescente, d’une femme puis d’une vieille dame en proie aux remords qui a davantage survécu à sa propre vie plutôt que de la vivre pleinement. Mais on y voit aussi et surtout l’amour de Cuba, ce pays meurtri par des rêves de liberté.
La plume de Chantel Acevedo est douce et habile, elle nous propulse sur cette terre où l’odeur de l’air iodée se mélange à celle de la chaleur des montagnes. Elle nous invite à grandir en même temps que son héroïne, à nous nourrir de l’Histoire de Cuba, à ouvrir les yeux sur ce qu’était la réalité là-bas, et surtout à prendre conscience que cette triste réalité existe encore, ailleurs. Vers de lointaines merveilles.
« Et qu'y a-t-il de plus terrifiant pour une enfant que de douter de sa mère, de découvrir ses défauts, de la considérer comme un être humain, et non plus comme une déesse ? »



Commentaires

  1. Merci pour la découverte de ce roman !

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    1. Avec plaisir, s'il suscite l'intérêt alors c'est tout gagné car il vaut la peine d'être découvert :)

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  2. Je ne connaissais ni l'autrice ni le roman, merci pour la découverte ! :)

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    1. Ce fut également une découverte pour moi lorsque je l'ai reçu. Il devrait te plaire je pense :)

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  3. Je l'ai vu plusieurs fois en librairie et j'ai toujours été attirée par la couverture fleurie et très colorée ainsi que par son titre mais je ne l'ai jamais acheté, toujours hésitante. Ta chronique me rassure et les citations que tu y mets sont merveilleuses, emplies d'humanité et de vérité je trouve.

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    1. C'est vrai que je ne l'ai pas mis dans l'article mais la couverture est superbe (ce qui n'est pas toujours le cas chez Points).
      Si tu le lis, tiens-moi au courant, j'irai lire ton avis. C'est un beau roman, tragique certes mais plein d'émotions.

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