Atelier d'écriture #263 de Bric à Book | Joyeux brouhaha

Chaque semaine, Leiloona du blog Bric à Book organise un atelier d'écriture. Le principe : à partir d'une photo, sélectionnée une semaine à l'avance, proposer un texte au ton et genre de notre choix. De quoi éveiller notre imagination :-)

© Fred Hedin

Brouhaha de fumée, le temps s’égare. Ici est l’endroit où je fuis, dans ce café des délices. J’observe le monde qui s’agite, je m’en inspire. Syllabes détachées à l’atmosphère assoiffée. Les habitués s’y rejoignent et rient avec un rire trouble qui résonne dans ma tête. J’entends les pièces qui tintent, roulent, lourdes, jetées sur le comptoir, arrêtées par une main. 
Je m’installe à cette table au centre de ce joyeux brouhaha enveloppé de vie et commande un verre de rouge. Je balaye la pièce. Certains ont le regard effacé, l’esprit embué de trop de rosé. A quoi rêvent-ils ? 


Mes pensées cessent de déambuler lorsque la porte s’ouvre et que le vent s’engouffre dans la chaleur des âmes de comptoir. 
Je me lève et sourit. Embrasse tendrement les joues. Me rassois et trébuche, comme toujours, ma maladresse légendaire. Nous prenons place autour de cette table, commandons un verre puis un autre encore, trinquons. Je laisse siffler l’air entre les interstices des lèvres, écoute les sons, les froissements de bouche. Le moment est beau. Je ne cherche pas à comprendre, je me nourris de cette douce mélodie. Les mains caressent le rebord des verres à pieds, délicatement, lentement, en décalage total avec l’animation de la conversation. Je laisse la danse des mots m’étourdir, couler le long de ma gorge à m’en faire tourner la tête comme ce liquide rouge. 

Les gens autour de nous rient toujours, mais beaucoup moins fort, nous ne sommes plus beaucoup dans la pièce mais les odeurs, les crépitements des mousses qui s’affaissent continuent d’envahir le café. Nous levons nos verres, une tournée supplémentaire. Il est près de minuit et je vois la barmaid fatiguée de distribuer alcool et café mais déjà je n’y prête plus attention. 
Je souris et observe chaque trait de visage pour les graver en moi, me souvenir de ces instants habituels mais aussi uniques dont on ne se lasse jamais.

Il se fait tard, le temps pour nous de quitter les lieux, un peu éméchés de trop de verres levés. Combien de temps cela aura-t-il duré ? Trois heures, peut-être plus. Le temps et l’heure m’échappent et ça m’est égal. 
Dehors, le froid nous saisit. Là sur le trottoir, nous allumons une dernière cigarette, tirons une bouffée, fermons les yeux. Je souffle très doucement, comme avec la réserve de garder un peu cet air en moi et l’envie de suspendre ce moment avec eux, ces amis de longue date. 

© Amandine - L'ivresse littéraire

Commentaires

  1. il y a le plaisir de tous les sens, dans ce texte :-)

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  2. Un récit qui met en avant les sensations ! Bien vu justement le lecteur partage ce moment suspendu !

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    1. Merci Leiloona je suis ravie si vous lecteurs vous avez pu partager ce moment :)

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  3. Un chouette texte pour décrire ces instants de pur bonheur entre copains, comme dans une bulle mais dans laquelle ne pénètreraient que les sons agréables. Le temps semble suspendu. J'aime.

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    1. Merci Valérie. Suspendre le temps, les voix, les visages pour graver les souvenirs c'était ce que je souhaitais.

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  4. Très joli texte autour d'une ambiance. On rentre dans l'intimité de l'homme.Bravo !
    j'ai juste été étonnée de ces allers-retours répétés entre le Je et le Nous. Cela me donne l'impression que l'homme est tantôt dans le groupe, tantôt à distance. Je me demande la raison de ce décalage. A-t'il des préoccupations, ressent-il un malaise, pourquoi se comporte-il en observateur ?

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    1. Je suis contente que tu t'arrête sur ce détail voulu et les questions que cela engendre. Effectivement en écrivant ce texte j'ai essayé d'instaurer une sorte de distance entre ce personnage et ses amis comme s'il s'agissait d'une de leur dernière rencontre.

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  5. Un texte autour des sens d’un homme qui s’imprègne de l’atmosphère du lieu comme s’il y venait pour la dernière fois ! Très réussi et très agréable lecture. :)
    Jos

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  6. Un texte fabuleux où tu t'amuses à faire vivre les 5 sens et on plonge vraiment avec toi, ton héros et ses amis comme si j'y étais ! Merci pour ce temps suspendu si divinement ! Les journées sont en général belles mais elles le sont encore plus autour d'un table et d'un apéro ! Bravo L'Ivresse ! Nady

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  7. Comme toujours, j'aime !! J'aime ce que tu dis, sans les mots... Ces ambiances, ces ressentis, ces atmosphères que tu sais si bien faire naître... En quelques mots, je me suis retrouvée dans ce café , à suspendre le temps, les jours heureux, les moments que l'on n'oublie pas, ceux que l'on sent s'enfuir, inexorablement..

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